L'art du geste : quand la calligraphie rencontre l'autosuffisance
Un livre sans une seule photographie. En 1973, alors que l'édition se standardise et que les images envahissent notre quotidien, Jacques Massacrier fait un choix radical : tout dessiner à la main. Chaque page de "Savoir Revivre" est une œuvre unique, où la calligraphie danse avec les illustrations dans un ballet d'encre en deux couleurs.

Ce choix n'est pas qu'esthétique. Formé à la prestigieuse Thanet Art School en Angleterre puis aux Arts Appliqués à Paris, Massacrier sait que la main qui trace une lettre est la même qui bâtit un mur, qui sème une graine, qui façonne un bol d'argile. Dans "Savoir Revivre", la forme épouse le fond : l'artisanat du livre reflète l'artisanat de la vie.
Les 200 pages se déploient comme une partition visuelle. Ici, le tracé minutieux d'un plan de serre dialogue avec l'élégante courbe d'un 'S'. Là, un croquis de charpente traditionnelle s'entrelace avec des instructions calligraphiées. L'information technique devient poésie visuelle. Chaque page est une invitation à ralentir, à observer, à apprécier la beauté du détail.
En rééditant "Savoir Revivre" aujourd'hui, nous avons voulu honorer cette approche artisanale. Le choix du papier Munken crème de 120 grammes n'est pas anodin : sa texture légèrement granuleuse, sa teinte chaleureuse font écho au papier original. Le grand format (21 x 30 cm) permet aux illustrations de respirer, aux mots de danser. Ce n'est pas qu'un livre, c'est un objet qui demande à être touché, caressé, vécu.
En rééditant "Savoir Revivre" aujourd'hui, nous avons voulu honorer cette approche artisanale.
Car paradoxalement, c'est dans cette exigence artistique que réside l'accessibilité du propos. Les dessins de Massacrier ne sont pas intimidants - ils sont invitants. Une maison en pierre, un potager en permaculture, un four à pain : tout semble à portée de main quand c'est esquissé avec tant de simplicité et d'élégance.
Cette approche résonne particulièrement aujourd'hui, à l'heure où nos écrans nous bombardent d'images parfaites et inaccessibles. Les illustrations de "Savoir Revivre" nous rappellent que la vraie beauté réside dans l'imperfection du fait main, dans la trace visible de l'effort humain. Chaque page nous murmure : "Vous aussi, vous pouvez le faire."
En 2023, alors que le minimalisme digital et l'esthétique Instagram standardisent notre rapport au beau, "Savoir Revivre" nous propose une autre voie. Une voie où l'art n'est pas séparé de la vie quotidienne, où la beauté naît du geste utile, où le style émerge naturellement de la fonction.
C'est peut-être là le plus grand tour de force de Massacrier : avoir créé un livre qui est lui-même un acte de résistance joyeuse. Un objet qui prouve, par sa simple existence, qu'une autre façon de faire - et donc de vivre - est possible.
Crédit Photo © Uyuni
À suivre dans notre prochain article : "Ibiza années 70 : chronique d'une île pas encore perdue"